Boubacar Diémé, président de l’ONG Diante Bou Bess

Lundi, novembre 12, 2012
Nous interviewons Boubacar Diémé, économiste et président de l’association Diante Bou Bess. Cette ONG, partenaire local de Fundación Diagrama dans de nombreux projets de coopération au Sénégal, est une organisation qui nait en 2006 avec l’objectif de contribuer au développement et à l’amélioration de la qualité de vie de la population sénégalaise, en menant à bien des projets et programmes dans le domaine de la santé et de l’éducation.

Quels sont les objectifs de Diante Bou Bess (DBB) au Sénégal ?

L’objectif principal de DBB est de lutter contre le phénomène des enfants des rues. Pour cela, nous tentons de mettre en place des projets en lien avec l’éducation, la formation et la santé qui contribuent à lutter contre la pauvreté. Un objectif est de former les jeunes ayant abandonné l’école. Nous voulons les récupérer. De plus, nous travaillons pour renforcer les capacités des adultes, par exemple ceux qui travaillent dans le secteur agricole ou de la santé, tels que des professionnels comme les sages-femmes ou les infirmières qui travaillent dans les zones rurales.

A quels types de défis l’association doit-elle faire face ?

Dans mon pays, il y a plusieurs défis à relever dans les secteurs d’intervention de DBB. Dans le domaine de l’éducation, il faut faire en sorte à ce que tous ces jeunes qui abandonnent l’école avant l’heure, puissent reprendre les études grâce aux ateliers de formation que l’association met en place car généralement le problème est que beaucoup de jeunes abandonnent l’école après leur troisième ou quatrième cours et, sans formation, ils n’ont aucune possibilité d’aller de l’avant dans la vie. En général, ils viennent de familles défavorisées, et la pauvreté est la raison pour laquelle leurs parents ne peuvent pas leur payer une formation et les enfants ne peuvent pas poursuivre leurs études.

En ce qui concerne la santé, fréquemment les hôpitaux n’ont pas les infrastructures et le personnel spécialisé dont ils ont besoin. Dans les zones rurales éloignées, en général, il y a très peu de centre de soins, et ceux-ci manquent fortement de personnel et d’équipement. Nous voulons que les personnes qui travaillent dans ces régions reçoivent la formation professionnelle dont elles ont besoin afin de renforcer leurs capacités et, ainsi, s’occuper au mieux de la population.

Quelle est la situation de la coopération internationale au Sénégal ?

La coopération internationale au Sénégal s’articule autour de différents axes, mais à mon avis, l’un des plus utile est la coopération en matière agricole, comme l’école d’agriculture que nous développons avec Fundación Diagrama au Centre Polyvalent de Formation. L’agriculture est un secteur très important pour l’économie au Sénégal. Le pays ne peut pas se développer sans développer l’agriculture et soutenir les agriculteurs traditionnels, c'est-à-dire les exploitations familiales du fait que c’est dans celles-ci qu’est produite une grande partie de la production des légumes du Sénégal. L’agriculture industrielle est, dans sa majorité destinée, à l’exportation, alors que les agriculteurs traditionnels sont ceux qui sont la base de l’agriculture du Sénégal et les soutenir est une façon de lutter contre la pauvreté. Je crois que la coopération que le Sénégal doit chercher maintenant est de tenter de trouver des partenaires qui, dans leurs projets, tiennent en compte la lutte contre la pauvreté de ces exploitations familiales. En les aidant, une possibilité de développement s’ouvre à eux, non seulement pour l’agriculture du pays en tant que secteur, mais aussi pour les agriculteurs à qui est donnée l’opportunité de sortir de la pauvreté. C’est très important.

L’aspect énergétique est également important. L’énergie est un problème réel au Sénégal. C’est pourquoi la coopération dans ce sens représente un secteur d’activité très intéressant, particulièrement concernant le développement des énergies renouvelables, et plus spécialement l’énergie solaire et éolienne. Ce sont des énergies qui ne sont pas du tout exploitées. Actuellement, il y a quelques initiatives qui commencent à exploiter l’énergie solaire au vue de tout le potentiel qu’a le pays du fait de son climat, mais le vent pourrait aussi être mieux exploité. C’est dommage que le Sénégal soit un pays dépendant du pétrole parce que nous ne sommes pas producteurs. L’énergie est un facteur clé pour aider les agriculteurs du fait que dans beaucoup de régions on utilise l’agriculture d’irrigation pour laquelle sont nécessaires des motopompes qui fonctionnent au gasoil. Si nous avions des plaques solaires, nous pourrions les utiliser au lieu du pétrole.

D’autre part, tout en développant le secteur des énergies renouvelables, nous luttons aussi contre la dégradation environnementale, en réduisant les gaz qui provoquent l’effet de serre.

Logiquement, l’éducation est fondamentale pour le développement des deux secteurs précédemment cités. L’éducation et le développement sont deux aspects interconnectés et, c’est pourquoi, ils doivent être les objectifs de la coopération internationale.

Comment la mission de Diante Bou Bess, ciblée sur l’éducation, le développement durable et la santé,  est-elle mise en pratique?

Diante Bou Bess poursuit ces objectifs au travers de projets sur lesquels elle travaille en étroite collaboration avec les autorités locales. Si nous identifions un besoin et que nous pouvons intervenir, la première chose que nous faisons c’est parler avec les autorités locales, avec la communauté rurale. Nous leur exposons notre projet et analysons s’il entre dans leurs plans de développement. S’il ne s’ajuste pas, nous tentons de l’adapter à leurs priorités, de façon à contribuer à leur propre plan de développement. Ensuite, une fois le projet identifié, on parle avec le président de la communauté rurale pour que celui-ci puisse évaluer s’il s’adapte avec son Plan Local de Développement et nous accordons el processus d’exécution et commençons l’écriture du projet, avec l’aide de Fundación Diagrama, nos partenaires en Espagne qui nous aident également à trouver du financement. Nous n’exécutons jamais un projet qui n’est pas en adéquation avec les priorités de la communauté rurale.

Comment vit-on au Sénégal l’incorporation de la femme à la formation professionnelle ?

Actuellement, c’est un sujet auquel le gouvernement donne beaucoup d’importance. Il y a peu de temps, on a voté la loi sur la parité, et la femme doit être intégrée dans toute activité. L’intégration des femmes dans tous les aspects du développement est très importante, du fait que la femme sénégalaise joue un rôle fondamental dans le développement du pays. Tout d’abord dans le cadre de la famille car elle se charge de résoudre tout type de problème. En matière d’agriculture, par exemple, les femmes sont très actives. Dans tout le pays on trouve des associations de femmes qui se regroupent pour travailler dans différentes branches du secteur, depuis l’achat de terres jusqu’à la commercialisation de produits ou la transformation de ceux-ci. DBB met l’accent sur l’intégration des femmes dans ses projets, que ce soit dans le cadre éducatif ou celui de la santé.

Et comment cela est-il perçu par la population en général ?

La population s’identifie assez avec l’idée de développement que transmet notre association. Quant à l’intégration des femmes, concrètement, il est clair qu’au début il y avait certaines réticences par rapport à la loi sur la parité. Cependant, peu à peu, on commence à voir une plus forte compréhension vis-à-vis de cette loi et dans tous les programmes qui se développent la femme occupe une place très importante.

Comment se développent les projets dans lesquels collaborent Fundación Diagrama et Diante Bou Bess ?

Bien, car la collaboration entre DBB et la Fondation est parfaitement coordonnée. Cette collaboration renforce les capacités de DBB, avec la formation des professionnels, comme celle que j’ai reçu lors de mes déplacements en Espagne depuis 2007 et avec une assistance technique de la part des professionnels de la Fondation, aussi bien en Espagne qu’au Sénégal. En 2011, le responsable financier de DBB a aussi voyagé en Espagne afin de recevoir une formation en gestion économique, comptabilité et suivi des projets. C’est une collaboration très étroite qui rend possible que DBB puisse développer ses projets.

De tous les projets menés à bien avec Fundación Diagrama, lequel t’a paru le plus intéressant ?

Tous les projets nés de notre collaboration sont intéressants. Tout ce que nous faisons a des résultats très positifs pour la communauté.

Mais il y a un projet, déjà terminé, et qui a été mis en place à Kaolack. C’est un projet avec cinq écoles de Kaolack qui n’avaient pas de toilettes et les enfants n’avaient pas d’endroit où faire leurs besoins. C’est un projet que j’aime beaucoup car, à travers l’amélioration des conditions hygiéniques et sanitaires, il a permis d’avancer dans le travail éducatif en faisant que plus de 800 élèves puissent être éduqués dans de bonnes conditions. Depuis que les enfants ont des toilettes, le niveau d’étude s’est amélioré d’une manière significative. Et, en même temps, les conditions sanitaires ont été améliorées.

En ce qui concerne les projets qui sont actuellement développés, nous pouvons mentionner le Centre Polyvalent de Formation.

Que pensez-vous du Centre Polyvalent de Formation?

Ce projet qui comprend à la fois l’éducation et la santé, développé par Diante Bou Bess et Fundación Diagrama est un projet très important aussi bien pour DBB que pour la Communauté Rurale qui est impliquée dans celui-ci. Il se développe dans une communauté rurale où tous les défis que j’ai précédemment décrit sont très présents, comme les problèmes de jeunes ou ceux du personnel de santé. Ce projet leur permet de progresser et d’avoir une formation et, c’est pourquoi, c’est un projet très utile pour la population locale et il contribue énormément au développement de la communauté.

Quels sont les futurs projets de Diante Bou Bess?

Il y a beaucoup de projets, mais nous pouvons dire que parmi les principaux on trouve la formation agricole. Cette formation prétend aider les petits agriculteurs qui sont la base du secteur au Sénégal. Nous tenterons de les aider en renforçant leurs capacités. Dans le futur, nous souhaitons développer cet axe, en intensifiant le travail avec les agriculteurs et les paysans qui vivent dans la région de Sandiara, M’bour jusqu’à Kaolack. Pour cela nous disposons du centre de formation de DBB qui a été financé par la Generalitat Valenciana. Nous tenterons de former ces agriculteurs et de renforcer leurs capacités, plus particulièrement dans le domaine de l’agriculture biologique, qui est une agriculture respectueuse de l’environnement et qui tente de préserver les ressources naturelles du sol et qui permet une bonne croissance de produits sains. La plupart des agriculteurs du Sénégal n’utilisent pas correctement les pesticides, herbicides ni les temps d’attente à respecter. Parfois, les produits sont récoltés le lendemain du traitement, malgré tout le mal que cela suppose pour la santé. Cependant, si nous optons pour l’agriculture biologique, nous préservons la santé de la population, la santé du sol et aussi la santé de l’agriculteur.

Nous allons également tenter d’améliorer la formation sanitaire du personnel qui travaille dans les régions les plus retirées. De plus, le centre de formation sera un espace de communication entre les agents de santé et de contact avec les nouvelles technologies.

En ce quoi concerne l’éducation des mineurs, DBB va poursuivre ses activités de renforcement scolaire pour les enfants des communautés, et de création d’espaces de culture, d’activités éducatives et de loisirs. Concrètement, on va maintenant créer un espace pour les jeunes de Sandiara, dédié aux loisirs et la culture.